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Le Joli Atelier d'Ecriture
20 avril 2014

Festival Bat la Lang - Avril 2014

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La clarté du jour est moins présente. Le soleil couchant fait ressortir les tons orangés sur les façades des maisons blanches. Une brise légère se lève et court dans le feuillage du flamboyant qui trône sur la place du village.

En ce début de soirée, le calme règne. J’apprécie ces instants, cette fraîcheur qui arrive, enfin. Je profite de cette quiétude. J’ai déjà tout préparé. Les tables et les chaises sont bien en ordre, alignées. On ne peut déceler aucune trace sur les verres. Transparence. Brillance. Netteté. Les bouteilles sont au frais, près de la machine à glaçons. Les torchons sont propres, pliés, sentent le frais de la lessive. J’ai mis mon tablier.

Les clients du café vont arriver et prendre possession de cette place, l’animer, la faire vivre.

Encore quelques minutes de tranquillité, de silence, de légèreté. Inspiration profonde. Relâchement. Evasion. Plus que quelques secondes.

Mon visage se crispe, mes épaules se soulèvent, mes muscles se contractent. Je distingue dans la ruelle, le long de l’église deux silhouettes, mes deux premiers clients. Je reconnais l’allure. Ils seront encore mes premiers verres de Madère ce soir, comme tous les soirs depuis 2 ans. Puis viendront les bières, les petits blancs secs et les alcools un peu plus forts.

Au début, les voix seront feutrées, discrètes. Les regards parleront davantage. Et, au fur et à mesure que les tables se remplissent, les voix s’élèvent et un brouhaha s’installe.

J’entends des voix cabotines qui m’appellent, m’attirent, me pressent, me font peur.

Je regarde ces bouches qui bougent, ces doigts qui se lèvent, ses mains qui s’agitent. A toutes les tables, ça s’agite.

Les verres trinquent, les bouteilles suent, l’eau de condensation noie les tables, mouille les mains et les avants bras sur les tables.

Table de deux,

Table de quatre

Grande table,

Entre leurs mots gras, leurs voix rauques,  leurs fous rires, ils m’interpellent.

Je les vois, les entends. Ils sont trop, trop de bouches, de mots, de rires, trop de doigts, de mains, trop de verres, de bouteilles, de tables…

Je ne sais plus, je ne sais pas.

Mon cœur se soulève, cogne dans ma poitrine. Il n’a plus assez de place. Il cogne, cogne.

J’ai de plus en plus mal. Leurs voix m’agressent, leurs paroles vides de sens me blessent, m’écorchent, me déchirent.

Vider les verres le plus rapidement possible, s’enivrer, se saouler, déraisonner, se consumer, se détruire, se confondre, se réduire… Quel programme !!

J’ai de plus en plus mal. Mon cœur cogne dans ma tête, contre mes tempes. Il n’y a plus assez de place. Il cogne, cogne.

Des imposteurs, des acteurs sans talents. Ils jouent leur vie à ces tables, se créent un nouveau monde, prennent des attitudes de conquérants, de maîtres du monde, de savants-fous, de professeurs émérites, de grands économistes ou pire de sélectionneurs de joueurs de foot. Ils me dérangent, ils me dégoutent, eux qui ont le verbe haut. Leur voix de stentor résonnent dans ma tête, dans mon corps…. Et ils boivent, ils boivent, et ils s’agitent, s’agitent, ne s’arrêtent plus.

Je n’en peux plus…. Mon esprit, mon corps n’en peuvent plus… Je rends mon tablier…

Christine

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